Comprendre les risques de cybersécurité liés aux assistants vocaux
Les assistants vocaux, tels qu’Amazon Alexa, Google Assistant ou Apple Siri, sont devenus omniprésents dans les foyers et les environnements professionnels. S’ils apportent une facilité d’utilisation indéniable, ils représentent aussi une porte d’entrée potentielle vers des atteintes à la vie privée et des compromissions de données. Cet article explore les enjeux de cybersécurité associés à ces dispositifs connectés, tout en proposant des recommandations concrètes pour minimiser les risques.
Comment fonctionnent les assistants vocaux ?
Un assistant vocal repose sur des interactions vocales entre l’utilisateur et un service d’intelligence artificielle basé dans le cloud. Lorsqu’un utilisateur prononce un mot-clé, tel que « Dis Siri » ou « Ok Google », l’appareil commence à enregistrer, transmet la commande vocale à des serveurs distants pour analyse, puis renvoie une réponse vocale ou déclenche une action.
Ce fonctionnement implique plusieurs étapes sensibles :
- L’écoute passive de l’environnement sonore, en attente du mot d’activation.
- L’enregistrement de la commande vocale, souvent conservée dans le cloud pour améliorer les performances futures.
- L’analyse des données vocales, potentiellement corrélées à d’autres données personnelles.
- L’exécution locale ou distante d’une commande, pouvant interagir avec des objets connectés.
Si ces étapes permettent une utilisation fluide et intelligente, elles introduisent également des risques majeurs pour la sécurité informatique et la protection des données personnelles.
Risques spécifiques à la vie privée et à la cybersécurité
Les assistants vocaux sont régulièrement pointés du doigt pour leur opacité et pour les potentielles violations de la vie privée. Parmi les principales menaces identifiées :
- Interception des données vocales : Les enregistrements peuvent être interceptés par des attaquants ou être mal utilisés par des prestataires tiers. En 2019, une enquête de The Guardian révélait qu’Amazon avait recours à des employés et sous-traitants pour écouter des enregistrements afin d’améliorer Alexa.
- Détournement des commandes vocales : Un assistant mal sécurisé peut être manipulé par un tiers via des fréquences inaudibles à l’oreille humaine (technology « DolphinAttack »). Ces commandes subliminales peuvent être utilisées pour effectuer des actions malveillantes.
- Failles de sécurité dans les objets connectés : Les assistants vocaux peuvent être utilisés pour contrôler des dispositifs domotiques (serrures, caméras, thermostats). Si ces objets sont mal configurés ou dotés de failles, cela peut exposer l’ensemble du réseau domestique ou professionnel.
- Fuite de données personnelles : Les historiques de commandes, les préférences utilisateur et autres données collectées peuvent être exploités commesources d’information pour du profiling ou du phishing ciblé.
Ces différents vecteurs d’attaque rendent indispensable une politique de cybersécurité adaptée à l’usage des assistants vocaux.
Une législation encore en construction
En Europe, les données collectées par les assistants vocaux relèvent du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), entré en vigueur en mai 2018. Ce texte impose aux fournisseurs de services vocaux une série d’obligations, notamment :
- Un consentement explicite de l’utilisateur pour la collecte et le traitement des données personnelles (article 6 du RGPD).
- Une transparence accrue sur les données collectées, leur finalité et leur durée de conservation (articles 13 et 14).
- Un droit d’accès, de rectification et d’opposition pour l’utilisateur (articles 15 à 21).
La CNIL rappelle sur son site l’importance d’une configuration adaptée des assistants vocaux, notamment la personnalisation des paramètres de confidentialité et l’attention portée au partage familial ou en entreprise de ces appareils. En janvier 2020, la CNIL a infligé une amende à Google de 50 millions d’euros pour manquement au principe de transparence et au traitement équitable des données, sanction qui fait jurisprudence dans le traitement des systèmes fondés sur l’intelligence artificielle.
Bonnes pratiques pour sécuriser l’usage des assistants vocaux
Pour limiter les risques liés à l’utilisation des assistants vocaux, plusieurs mesures préventives peuvent être adoptées :
- Désactivez le micro lorsqu’il n’est pas utilisé : La plupart des appareils offrent un bouton physique pour couper l’écoute en continu.
- Activez l’authentification vocale ou par mot de passe : Certaines commandes sensibles (achats, domotique) ne devraient être exécutées qu’après vérification de l’identité de l’utilisateur.
- Supprimez régulièrement l’historique vocal : Les paramètres de confidentialité de chaque assistant permettent d’effacer manuellement ou automatiquement les enregistrements.
- Configurez des profils restreints : Sur des appareils partagés, il est recommandé de créer des profils utilisateurs avec des droits limités.
- Séparez les réseaux Wi-Fi : Isoler les objets connectés du réseau principal permet de compartimenter les éventuelles compromissions.
- Mettez à jour régulièrement le microprogramme (firmware) : Un assistant vocal non mis à jour peut laisser la porte ouverte à des vulnérabilités connues.
Enfin, il est recommandé de lire les politiques de confidentialité des fournisseurs de services vocaux. Certaines marques offrent des niveaux de personnalisation de la sécurité et de la confidentialité bien plus granulaires que d’autres.
Perspectives technologiques et enjeux futurs
Avec l’avènement de l’intelligence artificielle générative et des assistants vocaux de plus en plus prédictifs, de nouveaux défis émergent :
- L’intégration de la biométrie vocale comme outil d’authentification pose des questions spécifiques quant à la protection des données biométriques, classées « données sensibles » au sens de l’article 9 du RGPD.
- Les applications professionnelles des assistants vocaux dans les environnements de travail (salles de réunion, télétravail) nécessitent une étude d’impact sur la protection des données (DPIA) préalable à leur déploiement.
- La généralisation des dispositifs always-on dans les voitures, les enceintes, voire les téléviseurs, étend le périmètre d’attaque à l’ensemble des sphères de la vie quotidienne.
Les entreprises et les particuliers doivent s’informer régulièrement des évolutions réglementaires, comme celles en discussion dans le cadre du projet de règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act), qui prévoit des niveaux de risque associés aux différents systèmes d’IA.
Dans un monde de plus en plus connecté, les assistants vocaux représentent à la fois un atout technologique et un défi sécuritaire. Se protéger efficacement repose autant sur des choix techniques éclairés que sur une compréhension du cadre réglementaire. Par une gestion rigoureuse et une configuration adaptée, les utilisateurs peuvent bénéficier des avantages de ces technologies tout en réduisant considérablement leur exposition aux risques numériques.